09-12-2007, 12:01
Je me souviens de ce mois de décembre lointain. Jétais jeune et animé par une passion débordante pour le foot.
Mon musée personnel avait des noms illustres : Di Stefano, Puskas, Gento, Santamaria, Amancio, Zoco,... Le Real était ma vie. Franco, ma haine et mon désespoir. La France, ma nouvelle terre daccueil. La banlieu parisienne et Saint-Etienne, étaient devenus, alternativement, mes horizons domestiques. J
Je mapprLtais B vivre mon premier "Noël français". Le Maroc "espagnol", mon pays de naissance, étant devenu soudain objet dun culte du retour obsédant. Ça caillait les meules dans ce oued français. Pourtant, je me souviens, quil ny avait pas si longtemps je faisais un rLve dans ma chambre sans fenLtre, le bruit de la mer accompagnant une pensée obsessionnelle : quitter pour toujours cette misPre et cette dictature de bouse ! Tu parles dun pays ! 60 000 habitants, 40 000 militaires qui cognaient sur les arabes et les opposants B la dictature de Francisco Franco. Les gens navaient que deux choix possibles : les corridas et le foot. Les putes et le mariage aprPs grossesse. Dans certains cas, poussé par une libido exacerbée, le généreux donateur pouvait regretter amPrement son geste. Le curé, la famille, belle ou moins belle, les voisins, armés dune morale trPs militante, allaient lui faire comprendre pendant la cérémonie du mariage quon pouvait trPs bien Ltre marié et continuer de fréquenter les putes, B condition de se montrer "homme de bien" avec celles-ci et pPre modPle avec ses enfants, pratiquant des ablutions réguliPres et priant le seigneur pour éviter la blennorragie : la tumeur du couple et la lPpre de la morale...
Mais jaimais le foot. Mes voisins aimaient le foot. Ma famille aimait le foot. Nous aimions les stades. Lambiance pleine de fureur quon y trouvait. Le seul endroit oj les supporters pouvaient ne pas Ltre daccord, se taper sur la gueule, en toute démocratie, vociférer toutes les insultes hors la loi sans recevoir la visite de la garde civile ni avoir B subir le peloton dexécution pour opposition au régime.
LOM dans tout ça ? Un port de pLche oj, B ce quil paraît, on attrapait des sardines aussi grosses que des cachalots avec nonchalance. Dans mon esprit, la pLche navait aucun rapport avec le foot, mLme si celle-ci se pratique au filet et que préserver le filet est affaire de gardien.
Ce week-end-lB, la pluie battait son plein dans le Chaudron stéphanois. Et, précisément, léquipe de Marseille venait B la pLche au gros dans lantre des verts. Ça bouillonnait dans les tramways. Cela faisait plusieurs jours que je gardais le lit. Une fiPvre dominatrice mempLchait de me rendre au stade. Du moins tel était lavis du docteur que ma mPre avait sollicité. Tel un doberman bien dressé, ce morticole de mes deux, sadressant B une mPre docile et inquiPte, était formel : "interdiction de quitter le lit !" Ma vieille acquiesçait et pour bien montrer que si son autorité ne suffisait pas, elle en référerait au paternel, lequel, soit dit en passant, comme un con, supportait le Barça.
Dans mon esprit, il était exclu que quiconque, Dieu ou Maître, empLche mon séjour dominicain au Chaudron. Comme un doryphore, balai en main, le pPre se planta dans lencadrement de la porte. Mon pater inspirait le respect, pas B cause de sa méchanceté, il était gentil et doux comme un agneau, mais son crâne dolichocéphale et sa protubérance nasale inspiraient une terreur légitime B quiconque osait croiser son regard. A ce quil paraît cela lui avait évité beaucoup de conflits.
Le choses se présentaient trPs mal pour moi. Mais javais déjB mon idée. Inutile de discuter. Je nallai pas laisser mon dolmen dormir sous la braguette alors quen plus du match qui sannonçait chaud, ma copine Monique attendait que je vienne la rejoindre avant, pendant et aprPs la rencontre. Il y a des fiPvres quon laisse sinstaller dans lorganisme pour un bonheur simple et durable.
Jhabitais au rez-de-chaussée. Jallai profiter de la visite de certains voisins, des pieds noirs du quartier qui parlaient lespagnol, avec lesquels mon pPre jouait aux dominos en buvant tranquillement du pastis pour méclipser.
Comme je ne faisais partie daucun groupe de supporters B Sainté, je me rendais au stade en électron libre. Ce jour-lB, je suis tombé dans les tribunes des supporters de lOM. Jai trouvé les gars trPs sympas. Ils faisaient un boucan denfer. Je retrouvais les sensations de chez moi. Javais dix-sept ans et, aussi stupide que cela puisse paraître, le maillot blanc de lOM me rappela celui de mon équipe fétiche.
Aujourdhui, quelques décennies plus loin, je suis toujours lB et quand le hasard du foot propose des rencontres Real/OM, je nai quun cri B la bouche : "Allez lOM !"
Mon musée personnel avait des noms illustres : Di Stefano, Puskas, Gento, Santamaria, Amancio, Zoco,... Le Real était ma vie. Franco, ma haine et mon désespoir. La France, ma nouvelle terre daccueil. La banlieu parisienne et Saint-Etienne, étaient devenus, alternativement, mes horizons domestiques. J
Je mapprLtais B vivre mon premier "Noël français". Le Maroc "espagnol", mon pays de naissance, étant devenu soudain objet dun culte du retour obsédant. Ça caillait les meules dans ce oued français. Pourtant, je me souviens, quil ny avait pas si longtemps je faisais un rLve dans ma chambre sans fenLtre, le bruit de la mer accompagnant une pensée obsessionnelle : quitter pour toujours cette misPre et cette dictature de bouse ! Tu parles dun pays ! 60 000 habitants, 40 000 militaires qui cognaient sur les arabes et les opposants B la dictature de Francisco Franco. Les gens navaient que deux choix possibles : les corridas et le foot. Les putes et le mariage aprPs grossesse. Dans certains cas, poussé par une libido exacerbée, le généreux donateur pouvait regretter amPrement son geste. Le curé, la famille, belle ou moins belle, les voisins, armés dune morale trPs militante, allaient lui faire comprendre pendant la cérémonie du mariage quon pouvait trPs bien Ltre marié et continuer de fréquenter les putes, B condition de se montrer "homme de bien" avec celles-ci et pPre modPle avec ses enfants, pratiquant des ablutions réguliPres et priant le seigneur pour éviter la blennorragie : la tumeur du couple et la lPpre de la morale...
Mais jaimais le foot. Mes voisins aimaient le foot. Ma famille aimait le foot. Nous aimions les stades. Lambiance pleine de fureur quon y trouvait. Le seul endroit oj les supporters pouvaient ne pas Ltre daccord, se taper sur la gueule, en toute démocratie, vociférer toutes les insultes hors la loi sans recevoir la visite de la garde civile ni avoir B subir le peloton dexécution pour opposition au régime.
LOM dans tout ça ? Un port de pLche oj, B ce quil paraît, on attrapait des sardines aussi grosses que des cachalots avec nonchalance. Dans mon esprit, la pLche navait aucun rapport avec le foot, mLme si celle-ci se pratique au filet et que préserver le filet est affaire de gardien.
Ce week-end-lB, la pluie battait son plein dans le Chaudron stéphanois. Et, précisément, léquipe de Marseille venait B la pLche au gros dans lantre des verts. Ça bouillonnait dans les tramways. Cela faisait plusieurs jours que je gardais le lit. Une fiPvre dominatrice mempLchait de me rendre au stade. Du moins tel était lavis du docteur que ma mPre avait sollicité. Tel un doberman bien dressé, ce morticole de mes deux, sadressant B une mPre docile et inquiPte, était formel : "interdiction de quitter le lit !" Ma vieille acquiesçait et pour bien montrer que si son autorité ne suffisait pas, elle en référerait au paternel, lequel, soit dit en passant, comme un con, supportait le Barça.
Dans mon esprit, il était exclu que quiconque, Dieu ou Maître, empLche mon séjour dominicain au Chaudron. Comme un doryphore, balai en main, le pPre se planta dans lencadrement de la porte. Mon pater inspirait le respect, pas B cause de sa méchanceté, il était gentil et doux comme un agneau, mais son crâne dolichocéphale et sa protubérance nasale inspiraient une terreur légitime B quiconque osait croiser son regard. A ce quil paraît cela lui avait évité beaucoup de conflits.
Le choses se présentaient trPs mal pour moi. Mais javais déjB mon idée. Inutile de discuter. Je nallai pas laisser mon dolmen dormir sous la braguette alors quen plus du match qui sannonçait chaud, ma copine Monique attendait que je vienne la rejoindre avant, pendant et aprPs la rencontre. Il y a des fiPvres quon laisse sinstaller dans lorganisme pour un bonheur simple et durable.
Jhabitais au rez-de-chaussée. Jallai profiter de la visite de certains voisins, des pieds noirs du quartier qui parlaient lespagnol, avec lesquels mon pPre jouait aux dominos en buvant tranquillement du pastis pour méclipser.
Comme je ne faisais partie daucun groupe de supporters B Sainté, je me rendais au stade en électron libre. Ce jour-lB, je suis tombé dans les tribunes des supporters de lOM. Jai trouvé les gars trPs sympas. Ils faisaient un boucan denfer. Je retrouvais les sensations de chez moi. Javais dix-sept ans et, aussi stupide que cela puisse paraître, le maillot blanc de lOM me rappela celui de mon équipe fétiche.
Aujourdhui, quelques décennies plus loin, je suis toujours lB et quand le hasard du foot propose des rencontres Real/OM, je nai quun cri B la bouche : "Allez lOM !"